Rudy RICCIOTTI
Vit et travaille à Cassis
“ Je ne suis pas un artiste, je ne suis pas un graphiste, je ne suis pas un peintre. Je suis architecte et ce qui m’intéresse c’est construire ” De temps en temps il m’arrive de dessiner, c’est très rare. Très tôt dans le métier, force m’a été de constater que mis en concurrence avec le langage, le dessin ne remplissait plus assez précisément sa fonction de synthèse. C’est ainsi que j’ai passé plus de 25 ans sans jamais dessiner, pas un seul trait. Je m’y suis remis, un peu pour vérifier si j’avais encore une main. J’ai pu constater que ce n’était plus la même, elle a changé, j’ai changé, quoi de plus logique, la vie passe, de précieuse ma main est devenue grossière. Cela ne me déplait pas. La vulgarité ranime notre mémoire linguistique, contre l’appauvrissement de nos expressions. […] Ces dessins posent la part cachée de questions formelles. Leur raison d’être est de dire ce qui est dansl ’ombre portée de la question, qui n’apparaîtra jamais dans l’architecture. Alors que sous la forme de gribouillis sont directement questionnés la physicalité du monde, la densité la verticalité, l’horizontalité, l’erreur, l’approximation, l’imperfection, le refus de la machine, la masse. La masse sur le papier convoque à la fois l’innocence, la virginité d’une blanche trame de papier et la lourdeur des intentions. Dans les deux dimensions, même une aquarelle patauge dans le paradoxe de son trait qui fait tâche en se fâchant avec son support. Quand je dis masse, c’est parce que j’essaye de graver dans l’épaisseur des papiers, les fictions que la masse et la densité me laissent entrevoir. Pour cela je manipule de l’encre de chine ou du fusain noir, des matériaux qui ont du goût, je pourrais le faire avec du parmesan. […] Extrait de “ Passons à table ” dans “ Première Ligne ”, Rudy RICCIOTTI